3/16 - L'Envol – chapitre 3 – L'évadé

Il parle sans repos.
Il danse dans les couloirs, sans musique ni spectateur.
Il semble fou. Et pourtant…

Un jour, Paul Emmanuel me dit :

> « J'ai été violé à six ans. »
Puis, dans un souffle plus fort que lui :
« Je suis un évadé. »

Ce vers m'a traversé comme une gifle douce.
C'est un vers de Gainsbourg. Et moi, grand fan, je l'avais oublié.
Lui, ce vieil homme que la vie a fracassé, l'a fait ressurgir d'un coin perdu de ma mémoire.
Ce jour-là, dans son délire, Paul Emmanuel a eu une clarté plus grande que le monde entier.

Alors j'ai donné forme à ce moment.
Ce drap devenu voile.
Ce corps trop maigre qui danse encore.
Cette ombre d'enfant replié à ses pieds.
Et moi, témoin muet de son envol.
Car oui, c'en est un.

L'envol de ceux qu'on n'écoute plus.
L'envol de ceux qu'on appelle fous.
L'envol de ceux qui, malgré tout, sont encore là.